Le décret du 17 juin 2022 prévoit un recours contentieux contre le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française. L'ancien recours gracieux qui était exercé devant le Ministre de la Justice est supprimé. Désormais, en cas de refus de CNF, il conviendra de saisir, par requête, le Tribunal Judiciaire, dans un délai de 6 mois. Ce délai courra soit de la décision de refus, soit à l'expiration du délai de refus implicite. La représentation par avocat est obligatoire dans cette procédure, comme elle l'était dans le cadre de l'action déclaratoire qui était classiquement exercée auparavant après les refus de CNF. Les conditions de recours deviennent plus restrictives car elles sont encadrées dans un délai. Avant l'entrée en vigueur de ce décret, il n'existait aucun délai pour saisir le Tribunal Judiciaire afin de se faire déclarer français. Il conviendra donc d'être extrêmement vigilant par rapport aux délais lorsqu'une demande de certificat de nationalité aura été déposée. Pour rappel, l'action dont dispose le Procureur de la République pour contester un certificat de nationalité qui a été délivré n'est encadré par aucun délai (elle est imprescriptible). Le décret s'applique aux demandes de CNF formées à partir du 1er septembre 2022. Il s'applique également aux demandes de CNF formées avant si la décision de refus intervient après le 1 er septembre 2022 : dans ce cas, le délai de 6 mois court à compter du 1er septembre 2022. Le délai court également à compter du 1er septembre 2022 pour les refus qui ont été opposés avant le 1er septembre 2022. L'autre nouveauté du décret est l'encadrement des délais d'examen des demandes de CNF : le greffe dispose d'un délai de 6 mois, renouvelable 2 fois, soit de 18 mois au total, pour statuer. A défaut de décision rendue dans ce délai, il y a une décision implicite de refus, qui fait courir le délai de recours contentieux. Le texte du décret est consultable sur legifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045930121 Le GISTI et le Conseil national des barreaux ont déposé des recours en annulation, accompagnés de référés suspension contre le décret. Par une ordonnance rendue le 3 août 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la demande de suspension, estimant qu’aucun des moyens invoqués n’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté. https://www.gisti.org/spip.php?article6846
0 Commentaires
Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation tire les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, le 30 janvier 2020 (JMB c. France, requête n° 9671/15 et 31 autres). La France avait été condamnée pour violation des articles 3 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme, à raison des conditions indignes de détention dans plusieurs centres pénitentiaires et maisons d’arrêt et de l’absence de recours devant les autorités françaises permettant d’y remédier de manière effective. La Cour de cassation rappelle que tout juge national doit tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et énonce qu’il appartient au juge judiciaire de faire vérifier les allégations de conditions indignes de détention formulées par un détenu sous réserve que celles-ci soient crédibles, précises, actuelles et personnelles. Si au terme de ces vérifications, la réalité de l’atteinte au principe de dignité de la personne détenue est établie, sans qu’il y ait été remédié depuis lors, le juge doit ordonner la mise en liberté de la personne en lui imposant, éventuellement, une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un contrôle judiciaire. Nationalité française et anciens établissements français de l'Inde : arrêt du 17 avril 20196/12/2020 Le mineur de moins de 18 ans né hors de l'Inde française a-t-il pu conserver la nationalité française lors de la cession des établissements français de l'Inde, alors que son père, né en Inde française, n'a pas opté pour la conservation de la nationalité française ? Telle est la question à laquelle la Cour de cassation devait répondre dans son arrêt du 17 avril 2019. Il s'agissait en réalité de combiner les dispositions du Traité de cession du 28 mai 1956, entré en vigueur le 16 août 1962. Son article 4 prévoit que : « Les nationaux français, nés sur le territoire des Établissements et qui y seront domiciliés à la date de l’entrée en vigueur du traité de cession, deviendront, sous réserve des dispositions de l’article 5 ci-après, nationaux et citoyens de l’Union indienne ». Son article 5 prévoit que : « Les personnes visées à l’article précédent pourront, par déclaration écrite faite dans les six mois qui suivront l’entrée en vigueur du traité de cession, opter pour la conservation de leur nationalité. les personnes qui auront exercé cette option seront réputées n’avoir jamais acquis la nationalité indienne. La déclaration du père ou, si le père est décédé, celle de la mère, ou, si les parents sont décédés, celle du tuteur déterminera la nationalité des enfants non mariés, âgés de moins de 18 ans, qui devront être mentionnés dans cette déclaration. Toutefois, les enfants mariés du sexe masculin, âgés de plus de 16 ans, pourront exercer l’option par eux-mêmes. Son article 6 prévoit que : « Les nationaux français, nés sur le territoire des Établissements, qui seront domiciliés sur le territoire de l’Union indienne à la date de l’entrée en vigueur du traité de cession, deviendront nationaux et citoyens de l’Union indienne. Ils bénéficieront toutefois, ainsi que leurs enfants, des droits d’option prévus à l’article 5 ci-dessus. Ces options seront exercées dans les conditions et les formes prévues audit article ». Il résulte de ces dispositions que les Français nés sur le territoire d’un Établissement et qui y étaient domiciliés lors de l’entrée en vigueur du traité (art. 4) ou qui étaient domiciliés sur le territoire de l’Union indienne (art. 6) ont acquis la nationalité indienne. Néanmoins, il leur était possible d’opter, par une déclaration, pour la conservation de la nationalité française (art. 5 et 6) ; et la déclaration du père détermine la nationalité des enfants non mariés âgés de moins de 18 ans (art. 5, al. 2). Il résulte d'une interprétation a contrario les personnes nées hors des établissements français de l'Inde ou qui n'étaient domiciliées ni sur le territoire d’un Établissement ni sur le territoire de l’Union indienne lors de l’entrée en vigueur du traité ont conservé la nationalité française. Dans l'affaire soumise à l'examen de la Cour de cassation, l'enfant était né en Union Indienne. Né hors de lInde française, il pouvait donc échapper aux dispositions des articles 4 et 6 du traité de sorte qu'on pouvait considérer qu'il avait conservé la nationalité française lors de la cession des établissements français de l'Inde. Mais son père était né en Inde française et n'avait pas opté pour la conservation de la nationalité française, de sorte qu'il avait perdu cette nationalité. Faute d'option par le père, fallait-il considérer que l'enfant avait également perdu la nationalité française dans la mesure où l'article 5 prévoit que la déclaration d'option du père détermine la nationalité des enfants mineurs ? La Cour de Cassation a consacré la première solution : elle a considéré que le mineur, né avant le 16 août 1962 (date d'entrée en vigueur du traité de cession franco-indien) hors des établissements français de l'Inde, avait conservé la nationalité française, peu important que son père ait perdu cette nationalité à défaut d’avoir effectué la déclaration d’option. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038440331&fastReqId=134811601&fastPos=1 L'emploi du terme "aliénation parentale" est-il désormais proscrit comme on le lit depuis quelques mois ? Madame Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, a demandé au garde des sceaux, le 28 décembre 2017, de diffuser des instructions à l’attention des juges aux affaires familiales et de la magistrature visant à proscrire l’utilisation du syndrome d’aliénation parentale. Au mois de juillet 2018, le garde des sceaux a annoncé la publication d'une note d’information sur le site intranet de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice pour informer les magistrats du caractère controversé et non reconnu du syndrome d’aliénation parentale, les inciter à regarder avec prudence ce moyen lorsqu’il est soulevé en défense et leur rappeler que d’autres outils sont à leur disposition en matière civile pour faire face aux situations parfois réelles d’un parent qui tenterait d’éloigner progressivement l’enfant de l’autre parent. Le garde des sceaux a pris soin de rappeler qu'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, aucune circulaire ne pouvait être diffusée auprès des juges aux affaires familiales pour préconiser l’utilisation ou, à l’inverse, pour proscrire l’utilisation de tel ou tel concept lorsque le juge est saisi. De même, on ne saurait préciser l’appréciation qui doit être faite par les juges de la vraisemblance de l’emprise d’un parent sur l’enfant au détriment de l’autre parent. La question écrite et la réponse peuvent être consultés ici. Il ne s'agit donc pas de "proscrire" les références à l’aliénation parentale, ce que le pouvoir exécutif n'a d'ailleurs pas le pouvoir de faire. Et il ne s'agit en aucun cas de nier les situations d'emprise d'un parent sur l'enfant, qui, comme le rappelle le garde des sceaux, existent bel et bien, quel que soit le nom qu'on leur donne. Il est dommage de lire des prises de positions dont le radicalisme, au nom de la défense des femmes et de la protection de l'enfance, appelle finalement au musellement. Le débat sur le sujet est loin d'être clos. En témoigne une nouvelle question écrite du 17 juillet 2018, dans laquelle l'attention du Ministre des solidarités et de la santé est appelée sur la reconnaissance du syndrome d'aliénation parentale, consultable ici. L’affaire concernait le droit pour une personne placée en curatelle renforcée de se marier sans l’autorisation de son curateur ou du juge des tutelles. L'article 460 alinéa 1er du code civil prévoit que le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge. Dans un arrêt du 25 octobre 2018, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que ces dispositions ne violaient pas l'article 12 de la convention protégeant le droit au mariage. CEDH 25 oct. 2018, Delecolle c/ France, req. n° 37646/13 Dans un arrêt du 5 octobre 2018, l'assemblée plénière de la cour de cassation demande à la Cour européenne des droits de l'homme son avis sur le respect de l'article 8 de la convention européenne qui protège le droit à la vie privée et familiale en matière de gestation pour autrui. L'hypothèse est la suivante : un couple conclut à l'étranger une convention de gestation pour autrui. L'enfant est conçu avec les gamètes du père, et celles d'une tierce personne. La jurisprudence reconnaît le lien de filiation entre l'enfant et le père génétique. Mais elle ne reconnaît pas le lien de filiation entre l'enfant et la mère dite mère "d'intention", qui n'est pas la mère biologique (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, 16-16.901 et 16-50.025). Le raisonnement juridique est le suivant : la gestation pour autrui n'est pas en soi un obstacle pour obtenir en France la transcription d'un acte de naissance dressé à l'étranger. Mais la Cour de cassation, se fondant sur l'article 47 du code civil, considère que l'acte n'a pas à être transcrit s'il existe d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même qui établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ((Ass. plén., 3 juillet 2015, pourvois n° 14-21.323 et 15-50.002, Bull. Ass. plén. 2015, n° 4). La mère "d'intention" a alors la possibilité d'adopter l'enfant de son conjoint. La cour de cassation a interrogé la cour européenne pour savoir si cette situation juridique respectait suffisamment le droit des enfants à une vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme. L'avis est requis en ces termes : 1°). En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui en ce qu’il désigne comme étant sa “mère légale” la “mère d’intention”, alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le “père d’intention”, père biologique de l’enfant, un Etat-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? A cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la “mère d’intention” ? 2°). Dans l’hypothèse d’une réponse positive à l’une des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8 de la Convention ? Arrêt Assemblée plénière du 5 octobre 2018 L‘étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » a été adoptée par l’Assemblée générale plénière du Conseil d’Etat du 28 juin 2018 et remise au Premier ministre le 6 juillet 2018. Le Premier ministre avait confié au Conseil d’État la réalisation d’une étude sur le cadrage juridique préalable au réexamen de la loi relative à la bioéthique portant sur les sujets suivants : la procréation, les conditions du don d’organes, de tissus et de cellules (dont les gamètes), du don du sang, la génomique, les neurosciences, l’intelligence artificielle et les big data, la fin de vie, la situation des enfants dits « intersexes ». Ce rapport est consultable sur le site du Conseil d'Etat : www.conseil-etat.fr/content/download/138941/1406918/version/1/file/Conseil%20d%27Etat_SRE_%C3%A9tude%20PM%20BIOETHIQUE.pdf Dans sa décision du 22 novembre 2013, le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la constitution les dispositions du second alinéa de l'article 29-3 du code civil. En application de cet article, le Procureur de la République peut contester la nationalité française de toute personne, devant le Tribunal de Grande Instance. La Cour de Cassation considère que cette action n'est enfermée dans aucun délai, et que le Procureur peut donc agir à n'importe quel moment pour contester la nationalité d'une personne. Cette solution n'est pas sans poser difficultés, sur le plan probatoire notamment, puisque cela oblige l'intéressé à conserver sa vie durant des preuves de sa nationalité. Elle pose également question au regard de la sécurité juridique puisque qu'une personne, quand bien même elle serait titulaire d'un certificat de nationalité, peut se voir attraire à tout moment devant un tribunal pour avoir à justifier de cette nationalité. C'est sur cette question de la prescription de l'action qu'a été posée une question prioritaire de constitutionnalité, transmise au Conseil Constitutionnel le 25 septembre 2013. Il est en effet admis que la question prioritaire de constitutionnalité peut porter, non seulement sur le texte de loi lui-même, mais également sur l'application jurisprudentielle de cet texte. Les griefs soulevés portaient sur le principe d'égalité, le droit au respect de la vie privée, le droit à un procès équitable et le principe de sécurité juridique. Le Conseil Constitutionnel a, malheureusement, écarté l'ensemble des ces griefs. www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013354qpc.htm Français originaires d'Algérie : Dans un arrêt du 14 mars 2012, la Cour de cassation affirme qu'« en l'absence de dispositions expresses, le statut civil de droit commun n'est pas susceptible de renonciation».
La question était débattue dans cette affaire à propos du mariage célébré en la forme musulmane : un tel mariage doit-il être considéré à une renonciation au statut de droit commun ? Pour la Cour de Cassation, le mariage célébré devant le cadi (et non devant l'officier de l'état civil), avec une personne de statut de droit local ne fait pas perdre le statut de droit commun. Elle rejette ainsi l'argumentation du Ministère Public qui soutenait que le mariage célébré en la forme musulmane marquait la volonté de l'époux de renoncer à son statut civil de droit commun pour le statut civil de droit local. |
AuteurNathalie Hélène GUYOT Archives
Septembre 2022
Catégories |